L'allée couverte de Cist-Véan à Bretteville-en-Saire

Texte

Le Cotentin est, de toutes les régions de la Normandie, celle qui a le mieux conservé les vestiges de l'industrie de l'âge de la pierre polie, et de l'âge du bronze. Les environs de Cherbourg sont privilégiés au point de vue des études préhistoriques. Son musée contient de superbes collections des nombreux outils et des armes employés à ces deux époques, et parmi les mégalithes qui jalonnent les campagnes de l'arrondissement, on peut citer les menhirs de Teurtheville-Hague, de Carneville (trois), de Négreville, de Saint-Pierre-Eglise, de Casque- ville; les dolmens de Loraille à Martinvast et celui de Flamanville; les tables aux fées de Bricquebec, de Lorion, de la Glacerie à Tourlaville; enfin les allées couvertes de Bricquebec, de Tourlaville (pierres couplées), de Vauville (canton de Beaumont), et enfin la belle allée de Bretteville-en-Saire (i). Toutes méritent l'attention et l'étude des préhistoriens et des archéologues; mais l'allée de Bretteville-en-Saire, par sa belle conservation, doit être mise hors de pair. Elle se trouve à environ huit kilomètres de Cherbourg, à un kilomètre de la limite de Bretteville et de Digosville, au sud du village de la Forge, dans un champ qui justifie amplement son nom : le Clos des pierres. On la voit à environ vingt mètres d'un mauvais chemin d'exploitation qui conduit de la route départementale à la mer, à cinq cents mètres environ de cette route.

Elle est orientée N.-O. et S.-O. et mesure 15 mètres de longueur. Le coté occidental le mieux conservé montre neuf supports encore en place, tandis que le côté oriental n'en conserve plus que sept. Les jambages ont à peine un mètre de saillie au-dessus du sol. Quatre tables de recouvrement sont demeurées en place, trois sont inclinées ou entièrement tombées. La première vers le N.-O. porte une longue fissure avec une douzaine de trous de mine. Elle a pu cependant échapper au sort réservé à tant de dolmens et de menhirs des environs, dont les tables et les piles, débitées en blocs équarris, servent de revêtement à la digue et aux forts de la rade de Cherbourg.

Cette table est seule en granit; tous les autres blocs sont en arkose, - sorte de poudingue qui forme le sous-sol d'une partie du pays, - sauf deux supports formés de stéaschiste quartzeux.

L'allée intérieure, dans sa partie la plus large, mesure de 0m,80 à un mètre.

Les tables de recouvrement ont depuis 1m,80 jusqu'à 2m,80 de longueur, sur une épaisseur de 0m,40 à 0m,60.

On a parfois désigné cette pierre sous le nom de Pierre branlante (1), Cist-Véan (2), parce que la dernière table paraissait posée en équilibre sur son support, et qu'à une certaine époque, ces sortes de pierres étaient toutes présumées avoir servi au culte druidique. Sans se soucier des hypothèses des savants, les bonnes gens des campagnes vous affirmaient, avec un clignement d'œil significatif, qu'au coup de minuit, à la Noël, ces pierres tournaient trois fois sur elles-mêmes. C'était plus qu'il n'en fallait pour leur mériter le nom de pierres branlantes. Si cette pierre a jamais branlé, aujourd'hui elle est d'une inertie parfaite.

Malgré les essais faits pour faire éclater par la poudre quelques-unes de ces roches, nous devons nous féliciter de trouver en aussi bon état cette belle allée couverte. Les sépultures qu'elle contenait ainsi que le mobilier funéraire ont depuis longtemps disparu; mais les tables et les supports conservés sont plus que suffisants pour reconstituer le type de ces tombeaux dont la plus grande partie remonte à l'âge de la pierre polie.

Notes

(1) Voir pour tous ces monuments : le Bulletin de la Société normande d'étude préhistorique, 1896. Inventaire des découvertes archéologiques en Normandie, Département de la Manche, par M. Coutil.

Auteur

A. Montier

Ouvrage

La Normandie monumentale et pittoresque, édifices publics, églises, châteaux, manoirs, etc.. Manche

Année

1899

Source

Gallica